La 42ème séance de l’Académie des Vins Anciens se tient, comme à l’accoutumée, au restaurant Macéo. Nous faisions d’habitude la première séance de l’année au début juillet, mais la grande salle où nous dînons est très chaude en cette période de l’année. Nous avons donc avancé la séance au 15 mai. Très curieusement les inscriptions ont été divisées par deux, puisque nous ne serons que 23 académiciens.
Une telle participation permet une table de 12 personnes et une de 11, ce qui fait que je n’ai pas cherché à relancer les habitués, puisqu’avec quelques convives de plus on passerait à trois tables et il y aurait moins de participants par table et donc moins de vins pour chacun.
Grâce à la générosité des académiciens et à mes apports, chaque table boira au moins 15 vins, ce qui est beaucoup plus que le format habituel de ces séances.
Arrivant vers 15 heures au restaurant Macéo je commence à ouvrir les vins du dîner. Pendant environ deux heures, je me sens un peu seul, car j’aime quand les aides d’académiciens viennent mettre un peu d’indiscipline dans mon travail. Certains amis tentent de tirer les bouchons et ça se termine mal, mais d’autres ont une belle technique. Et c’est toujours joyeux.
Vers 17 heures arrive un ami hollandais qui est de loin le plus généreux de cette séance au point que je l’ai invité, lui et sa compagne, sans frais d’inscription. Pour la seule ouverture des vins, il a apporté un Champagne Perrier-Jouët sans année, agréable à boire mais simple, un Champagne Perrier-Jouët 1969 puissant et de grande personnalité, et un Coteaux champenois Mailly, probable années 1970 assez étrange donc suscitant l’intérêt, qui se boit comme un vin qu’un déguste.
D’autres amis arrivent longtemps avant l’événement, pour encourager les ouvreurs. L’un d’entre eux a apporté un vin qui sera bu aussi en cours de repas. La seule mauvaise surprise des ouvertures est le Pavillon Blanc du Château Margaux 1978 dont le bouchon moisi donnait au vin un nez de bouchon le rendant imbuvable.
Les vins des deux tables sont les suivants :
Table 1 : Champagne Laurent Perrier sans année double magnum – Champagne Henry de Vaugency à Oger Blanc de Blancs 1986 – Champagne Dom Pérignon 1980 – Champagne Dom Pérignon 1949 – Chablis Grand Cru Les Blanchots Domaine Laroche 1985 – Chablis Roger Cafage 1949 – Corton-Charlemagne Grand Cru Thorin 1966 – Bâtard-Montrachet Bouchard Aîné & Fils 1955 – Montrachet grand cru maison Nicolas 1928 – Rioja Blanco 1933 – Château Grand Mayne jéroboam 1966 – Volnay 1er cru Les Santenots, Camille Giroud 1945 – Royal Kebir Frédéric Lung rosé Algérie 1945 – Muscat domaine Klipfel Alsace 1959 – Château Rayne-Vigneau Crème de tête 1929 – Château Lafaurie Peyraguey 1925.
Table 2 : Champagne Laurent Perrier sans année double magnum – Champagne Henry de Vaugency à Oger Blanc de Blancs 1983 – Champagne Mumm René Lalou 1979 – Château Carbonnieux blanc 1955 – Pavillon Blanc du Château Margaux 1978 – Bâtard Montrachet Charles Laurent 1989 – Château Grand Mayne jéroboam 1966 – Clos Fourtet Saint-Emilion 1947 – Pommard Girodit-Henry 1947 – Aloxe-Corton J. Thorin 1955 – Châteauneuf-du-Pape Jean-Pierre Brotte 1957 – Châteauneuf-du-Pape Bouchard Père et Fils 1964 – Château Grillet Appellation Grillet 1986 – Monbazillac années 30 – Château Lafaurie Peyraguey 1925.
Le Champagne Laurent Perrier sans année double magnum et les deux Champagne Henry de Vaugency à Oger Blanc de Blancs 1986 et 1983 sont bus à l’apéritif, avec des gougères délicieuses. Le Laurent Perrier est simple bien sûr, mais l’âge lui apporte de la complexité et le rend très agréable. L’ami hollandais m’a dit qu’il serait des années 90 mais le bouchon m’indique plutôt les années 80, ce qui explique sa belle maturité.
J’avais acheté une verticale de 13 millésimes du Champagne Henry de Vaugency à Oger Blanc de Blancs. J’ai goûté le 1983 et le 1986 plus vif et c’est une belle surprise car ce vin a la fraîcheur et la vivacité d’un beau blanc de blancs. Puissant, il me plait.
Le menu préparé par Adrian Williamson est ainsi rédigé : maigre rôti sur sa peau, roquette, artichaut et olives noires / asperges blanches, huile d’olive portugaise et crackers de riz soufflé / carré d’agneau rôti, aubergine de deux façons et crème de poivron / fromages Bordier : comté de 20 mois, chevrotin du val d’Aillon, fourme d’Ambert / tarte Tatin et crème pâtissière au caramel.
J’ai apporté une centaine de verres qui s’ajoutent aux verres du restaurant, mais avec une bonne quinzaine de vins, les verres seront utilisés pour plus d’un vin. Avec la profusion de vins et le fait que les vins de la table 1 sont essentiellement des blancs, j’avoue qu’à un moment je me suis senti complètement perdu.
Le Champagne Dom Pérignon 1980 est un Dom Pérignon typique, solide et bien construit. C’est un compagnon de gastronomie.
Le Champagne Dom Pérignon 1949 est un immense Dom Pérignon. Il peut faire partie de l’histoire de ce grand champagne à une place majeure. Tout est émotion, richesse, grandeur. Un moment de bonheur.
Quelle belle surprise que le Chablis Grand Cru Les Blanchots Domaine Laroche 1985, riche, joyeux, large. Un soleil en bouche idéal pour les asperges.
Pour la suite, je vais me faire remplacer dans ce texte par un ami très bon dégustateur, qui a -aujourd’hui – une meilleure mémoire (ses mots sont en italique) : Le Chablis Roger Cafage 1949 est touchant. Il fait un peu le soldat blessé, avec un début de bouche un peu brouillon. Sa finale est très minérale et ne peut qu’être chablisienne.
Le Corton-Charlemagne Grand Cru Thorin 1966 est cohérent et ample. Il est épanoui comme seuls peuvent l’être les vins anciens.
Le Bâtard-Montrachet Bouchard Aîné & Fils 1955 est imposant et massif. Il impressionne lors du service, mais hélas il s’affaiblit dans le verre et perd un peu de sa structure.
Le Montrachet grand cru maison Nicolas 1928, dont j’attendais beaucoup, est un peu décevant. Un léger voile liégeux empêche d’apprécier le vin à sa juste valeur. Après un début de bouche magnifique, le vin retombe et devient plus plat.
Avec l’agneau, nous voudrions boire le Saint-Emilion Château Grand Mayne Jéroboam 1966. Le vin est quasiment mort.
Le Volnay 1er cru Les Santenots, Camille Giroud 1945 est cohérent. Il offre ce qu’on attend d’un grand bourgogne dans cette merveilleuse année.
Le Kebir Rosé Frédéric Lung Algérie 1945 est massif et fruité. On ne pourrait pas lui donner d’âge. J’aime le caractère énigmatique de ce rosé.
Le Rioja blanco 1933 offre un parfum d’épices douces et de bois rares. Son nez est charmeur. Il s’entend avec tous les fromages, notamment le fromage de chèvre.
Le Muscat domaine Klipfel Alsace 1959 est une belle surprise. Il a encore quelques sucres, et son menthol en fait un compagnon pertinent pour le munster puissant et gras.
Le Sauternes Château Rayne-Vigneau Crème de tête 1929 est un ovni. Il est noir dans le verre, épais, sirupeux. Il est d’une complexité merveilleuse et se marie à merveilleuse avec la tarte tatin.
Le Sauternes Château Lafaurie Peyraguey 1925 est plus léger, encore d’un orangé juvénile. Son acidité est merveilleuse, et c’est avec la crème qu’il s’entend à ravir. La table est charmée par ces deux monuments.
Des vins de la table 2 sont venus jusqu’à moi, comme le Château Carbonnieux blanc 1955 magique, d’une couleur très claire et d’une présence intense et le Clos Fourtet Saint-Emilion 1947 l’un des plus grands bordeaux de 1947. Une merveille.
Mon classement des vins serait : 1 – Champagne Dom Pérignon 1949, 2 – Château Lafaurie Peyraguey 1925, 3 – Clos Fourtet Saint-Emilion 1947, 4 – Volnay 1er cru Les Santenots Camille Giroud 1945, 5 – Château Carbonnieux blanc 1955, 6 – Chablis Grand Cru Les Blanchots Domaine Laroche 1985, 7 – Royal Kebir Frédéric Lung rosé Algérie 1945, 8 – Montrachet grand cru maison Nicolas 1928.
L’ambiance de ce repas a été particulièrement amicale et joyeuse. Les vins étaient de grande qualité. J’avais voulu que pour les deux tables on finisse par un sauternes de cent ans, pour bien signifier que notre académie est bien celle des vins anciens. Ce fut parfait.